Histoire de la Balalaïka
Posté : dim. nov. 25, 2012 8:52 pm
Bonjour à tous et à toutes !
Je commencerais ce nouveau forum dédié à la cousine de la guitare, la balalaïka, en exprimant un énorme remerciement à notre ami Paulo !!
Il manquera désormais une chose, c'est un petit smileys de balalaika
Pour introduire ce forum sur la 3 cordes, voici d'abord son histoire ...
«C'était une calme soirée de juin. J'étais assis à la terrasse de ma datcha et me délectais du silence tombant avec le soir sur la campagne. Tout à coup j'entendis des sons dont l'origine m'était invisible. je me levais et accourus à l'aile d'où provenaient les sons.
Devant moi sur l'escalier du perron était assis un paysan, Antipe, qui jouait de la balalaïka! J'avais déjà vu auparavant cet instrument dans des boutiques mais je n'en avais jamais vu jouer. J'étais abasourdi par les capacités rythmiques et l'originalité des procédés de jeu et ne pouvais en aucun cas concevoir comment un instrument si médiocre d'aspect et si imparfait, muni seulement de trois cordes, pouvait produire tant de sons! Je me souviens alors, que tel un fer porté au rouge, une idée se vrilla dans ma tête: jouer soi-même et porter le jeu de la balalaïka à sa perfection!»
La balalaïka que prit en main Andréïev ne valait pas trente kopecks; construite par un moujik artisan, en bois de sapin et de bouleau, sa table était percée en son milieu de plusieurs ouïes. Trois cordes en boyau dont deux à l'unisson (mi) et une à la quarte supérieure (la) s'attachaient à la tête de l'instrument passant au-dessus d'un manche muni de cinq frettes en boyau et d'une table d'harmonie triangulaire. Le jeune Andréïev commença à en jouer et à faire des recherches sur les origines de cet instrument dont le timbre si caractéristique, si russe, l'avait enchanté.
La balalaïka était surtout jouée dans la partie centrale et septentrionale de la Grande-Russie, que l'on appelait ainsi jadis pour la distinguer de la Petite-Russie, l'Ukraine. Son apparition daterait de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Voici l'histoire de ses origines émise par les savants ethnomusicologues et autres organologistes.
Le Tsar Alexis Mikhaïlovitch (1629-1676), le deuxième de la dynastie des Romanov, promulgua par un oukase, en 1648, l'interdiction de jouer ou de détenir tout instrument de musique.
Les skomorokhi, ces saltimbanques, bardes, aèdes, bouffons et ménestrels qui avaient toujours été invités à toutes les fêtes villageoises ou seigneuriales, y compris à la Cour du Grand Prince Sviatoslav au XIe siècle ou au 'Palais des Divertissements du Souverain' d'Ivan le Terrible au XVIe, étaient les premiers visés et persécutés. Leurs couplets satiriques contre le Pouvoir et l'Église les firent condamner à la bastonnade et à l'exil. Leurs instruments furent brûlés en de gigantesques autodafés. Les histrions se turent.
Mais le peuple russe, si doué musicalement, ne pouvait pas vivre sans instrument. Apparaît alors la balalaïka, issue vraisemblablement de la domra. La forme triangulaire, le procédé de jeu à main nue, le nom même voulaient ne rappeler en rien la domra interdite. Le mot balalaïka provient des verbes russes: balakat' balagourit' balamoutit' boltat' qui signifient bavarder, baliverner, babiller, plaisanter, cancaner, dire des taquineries. Bref, un instrument pas sérieux, à ne pas prendre au sérieux par les autorités.
La première mention écrite se trouve dans un mandat d'amener, découvert en 1968, et qui date du 13 juin 1688, où les Stréltsy gardant la Porte de laouza à Moscou, notifient que «deux moujiks, Savka Fiodorov et Ivachko Dmitriev, montés sur une télègue chantaient à tue-tête en jouant de la balalaïka». Une deuxième mention écrite de la main même de Pierre le Grand en 1715, dénombre et dénomme dans son 'Registre' quatre balalaïkistes dont le Prince Obolenski.
Les balalaïkas piriformes, hémisphériques, puis triangulaires, car plus faciles aussi à construire, seront décrites par de nombreux voyageurs, ethnologues, écrivains et peintres russes ou étrangers.
En 1721, F. Bergholz nous décrit l'instrument et confirme l'engouement que lui portent toutes les classes de la société russe du XVIIIe siècle. J. Stählin écrit que la balalaïka est jouée surtout par la 'populace' mais aussi par les nobles, tel ce «jeune homme d'une famille de notables qui jouait les mélodies des arias italiennes récentes et chantait en s'accompagnant avec élégance sur cet instrument». Il ajoute: «Ce n'est pas facile de trouver en Russie une maison où sur cet instrument un jeune ouvrier ne joue pas ses bagatelles aux servantes.
Cet instrument se vend partout, mais ce qui fait qu'il est aussi répandu, c'est qu'on peut le fabriquer soi-même». Plus tard, Pouchkine, Lermontov, Maïkov, Dostoïevski, Tolstoï, Tchékhov, Tourgueniev, Gontcharov, Ostrovski, Boulgakov, etc., seront les plus illustres écrivains russes à décrire la balalaïka, son timbre, son jeu. Ainsi dans les Âmes mortes de Gogol: «une courge de Moldavie, une de ces calebasses dont on fait en Russie les balalaïkas, légers instruments à cordes, joie et orgueil des casse- cœurs de vingt ans, qui les pincent doucement avec forces œillades et sifflets à l'intention des belles filles à la gorge blanche, empressées à les écouter».
En 1762, le fondateur du théâtre russe, F. Volkov invitera un ensemble de balalaïkas aux cérémonies du Couronnement de Catherine II la Grande.
A la Cour, dans les maisons seigneuriales des hauts dignitaires, il est fréquent d'assister à des concerts où violon, balalaïka, flûte, trompette jouent ensemble.
Le répertoire évolue grâce à des virtuoses dont le premier historiquement est Ivan Khandochkine (1747-1804), le Paganini russe, violoniste, guitariste, chef d'orchestre et compositeur qui jouait sur un potiron dont l'intérieur était tapissé de cristal pilé, ce qui lui donnait un son pur et argentin.
Le manche était sans frettes, permettant à ce violoniste émérite d'interpréter des mazurkas, des valses, des polonaises et des variations sur des thèmes russes qui mettaient dans une rage musicale des mélomanes aussi avertis que furent Potemkine et Narychkine! Un autre violoniste, I. lablotchkine (1762-1848), un courtisan, fut l'élève de Khandochkine à la balalaïka. D'autres eurent leurs heures de gloire tels M. Khrounov, V. Radzivilov, N. Lavrov, P. Baïer, A. Paskine. La balalaïka accompagne l'air du meunier dans l'opéra Le meunier, le sorcier, le trompeur et le marieur de Marc Sokolovski créé en 1779.
Mais comme de nombreux instruments populaires russes, le XIXe siècle verra la balalaïka peu à peu disparaître. «Méprisée par tous, elle ne s'entend plus que dans lape- nombre des écuries et sous les portes cochères», écrit B. Babkine.
«Tu as réchauffé auprès de ton cœur généreux la balalaïka orpheline. Grâce à ton amour, elle grandit et se mua en une splendide beauté russe dont les charmes subjuguent le monde entiers» Ainsi s'adressait Fiodor Chaliapine (1873-1938) à Andréïev, le 'père de la balalaïka' qui sut la restaurer, la perfectionner, la faire construire en famille, de la piccolo à la contrebasse, la doter d'un répertoire, l'inclure dans son Orchestre Grand-Russien.
Depuis, de grands virtuoses, balalaïkistes, tant en Russie qu'ailleurs, lui donnèrent ses lettres de noblesse et l'ouvrirent à un répertoire très large, faisant briller sur les scènes les plus prestigieuses les procédés de jeu (pinces, frappés, trémolo, vibres et autres combinaisons) et son timbre si propices à rendre la nostalgie, la sauvagerie, le lyrisme, la chaleur et l'humour qui caractérisent si bien les Russes.
C'est pour cette raison que la balalaïka est le symbole de la musique traditionnelle russe. Le procédé de jeu le plus employé, le 'briâtsanié', est hérité d'un autre instrument encore plus antique, les gousli, au timbre tout aussi merveilleux...
Je commencerais ce nouveau forum dédié à la cousine de la guitare, la balalaïka, en exprimant un énorme remerciement à notre ami Paulo !!
Il manquera désormais une chose, c'est un petit smileys de balalaika
Pour introduire ce forum sur la 3 cordes, voici d'abord son histoire ...
«C'était une calme soirée de juin. J'étais assis à la terrasse de ma datcha et me délectais du silence tombant avec le soir sur la campagne. Tout à coup j'entendis des sons dont l'origine m'était invisible. je me levais et accourus à l'aile d'où provenaient les sons.
Devant moi sur l'escalier du perron était assis un paysan, Antipe, qui jouait de la balalaïka! J'avais déjà vu auparavant cet instrument dans des boutiques mais je n'en avais jamais vu jouer. J'étais abasourdi par les capacités rythmiques et l'originalité des procédés de jeu et ne pouvais en aucun cas concevoir comment un instrument si médiocre d'aspect et si imparfait, muni seulement de trois cordes, pouvait produire tant de sons! Je me souviens alors, que tel un fer porté au rouge, une idée se vrilla dans ma tête: jouer soi-même et porter le jeu de la balalaïka à sa perfection!»
La balalaïka que prit en main Andréïev ne valait pas trente kopecks; construite par un moujik artisan, en bois de sapin et de bouleau, sa table était percée en son milieu de plusieurs ouïes. Trois cordes en boyau dont deux à l'unisson (mi) et une à la quarte supérieure (la) s'attachaient à la tête de l'instrument passant au-dessus d'un manche muni de cinq frettes en boyau et d'une table d'harmonie triangulaire. Le jeune Andréïev commença à en jouer et à faire des recherches sur les origines de cet instrument dont le timbre si caractéristique, si russe, l'avait enchanté.
La balalaïka était surtout jouée dans la partie centrale et septentrionale de la Grande-Russie, que l'on appelait ainsi jadis pour la distinguer de la Petite-Russie, l'Ukraine. Son apparition daterait de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Voici l'histoire de ses origines émise par les savants ethnomusicologues et autres organologistes.
Le Tsar Alexis Mikhaïlovitch (1629-1676), le deuxième de la dynastie des Romanov, promulgua par un oukase, en 1648, l'interdiction de jouer ou de détenir tout instrument de musique.
Les skomorokhi, ces saltimbanques, bardes, aèdes, bouffons et ménestrels qui avaient toujours été invités à toutes les fêtes villageoises ou seigneuriales, y compris à la Cour du Grand Prince Sviatoslav au XIe siècle ou au 'Palais des Divertissements du Souverain' d'Ivan le Terrible au XVIe, étaient les premiers visés et persécutés. Leurs couplets satiriques contre le Pouvoir et l'Église les firent condamner à la bastonnade et à l'exil. Leurs instruments furent brûlés en de gigantesques autodafés. Les histrions se turent.
Mais le peuple russe, si doué musicalement, ne pouvait pas vivre sans instrument. Apparaît alors la balalaïka, issue vraisemblablement de la domra. La forme triangulaire, le procédé de jeu à main nue, le nom même voulaient ne rappeler en rien la domra interdite. Le mot balalaïka provient des verbes russes: balakat' balagourit' balamoutit' boltat' qui signifient bavarder, baliverner, babiller, plaisanter, cancaner, dire des taquineries. Bref, un instrument pas sérieux, à ne pas prendre au sérieux par les autorités.
La première mention écrite se trouve dans un mandat d'amener, découvert en 1968, et qui date du 13 juin 1688, où les Stréltsy gardant la Porte de laouza à Moscou, notifient que «deux moujiks, Savka Fiodorov et Ivachko Dmitriev, montés sur une télègue chantaient à tue-tête en jouant de la balalaïka». Une deuxième mention écrite de la main même de Pierre le Grand en 1715, dénombre et dénomme dans son 'Registre' quatre balalaïkistes dont le Prince Obolenski.
Les balalaïkas piriformes, hémisphériques, puis triangulaires, car plus faciles aussi à construire, seront décrites par de nombreux voyageurs, ethnologues, écrivains et peintres russes ou étrangers.
En 1721, F. Bergholz nous décrit l'instrument et confirme l'engouement que lui portent toutes les classes de la société russe du XVIIIe siècle. J. Stählin écrit que la balalaïka est jouée surtout par la 'populace' mais aussi par les nobles, tel ce «jeune homme d'une famille de notables qui jouait les mélodies des arias italiennes récentes et chantait en s'accompagnant avec élégance sur cet instrument». Il ajoute: «Ce n'est pas facile de trouver en Russie une maison où sur cet instrument un jeune ouvrier ne joue pas ses bagatelles aux servantes.
Cet instrument se vend partout, mais ce qui fait qu'il est aussi répandu, c'est qu'on peut le fabriquer soi-même». Plus tard, Pouchkine, Lermontov, Maïkov, Dostoïevski, Tolstoï, Tchékhov, Tourgueniev, Gontcharov, Ostrovski, Boulgakov, etc., seront les plus illustres écrivains russes à décrire la balalaïka, son timbre, son jeu. Ainsi dans les Âmes mortes de Gogol: «une courge de Moldavie, une de ces calebasses dont on fait en Russie les balalaïkas, légers instruments à cordes, joie et orgueil des casse- cœurs de vingt ans, qui les pincent doucement avec forces œillades et sifflets à l'intention des belles filles à la gorge blanche, empressées à les écouter».
En 1762, le fondateur du théâtre russe, F. Volkov invitera un ensemble de balalaïkas aux cérémonies du Couronnement de Catherine II la Grande.
A la Cour, dans les maisons seigneuriales des hauts dignitaires, il est fréquent d'assister à des concerts où violon, balalaïka, flûte, trompette jouent ensemble.
Le répertoire évolue grâce à des virtuoses dont le premier historiquement est Ivan Khandochkine (1747-1804), le Paganini russe, violoniste, guitariste, chef d'orchestre et compositeur qui jouait sur un potiron dont l'intérieur était tapissé de cristal pilé, ce qui lui donnait un son pur et argentin.
Le manche était sans frettes, permettant à ce violoniste émérite d'interpréter des mazurkas, des valses, des polonaises et des variations sur des thèmes russes qui mettaient dans une rage musicale des mélomanes aussi avertis que furent Potemkine et Narychkine! Un autre violoniste, I. lablotchkine (1762-1848), un courtisan, fut l'élève de Khandochkine à la balalaïka. D'autres eurent leurs heures de gloire tels M. Khrounov, V. Radzivilov, N. Lavrov, P. Baïer, A. Paskine. La balalaïka accompagne l'air du meunier dans l'opéra Le meunier, le sorcier, le trompeur et le marieur de Marc Sokolovski créé en 1779.
Mais comme de nombreux instruments populaires russes, le XIXe siècle verra la balalaïka peu à peu disparaître. «Méprisée par tous, elle ne s'entend plus que dans lape- nombre des écuries et sous les portes cochères», écrit B. Babkine.
«Tu as réchauffé auprès de ton cœur généreux la balalaïka orpheline. Grâce à ton amour, elle grandit et se mua en une splendide beauté russe dont les charmes subjuguent le monde entiers» Ainsi s'adressait Fiodor Chaliapine (1873-1938) à Andréïev, le 'père de la balalaïka' qui sut la restaurer, la perfectionner, la faire construire en famille, de la piccolo à la contrebasse, la doter d'un répertoire, l'inclure dans son Orchestre Grand-Russien.
Depuis, de grands virtuoses, balalaïkistes, tant en Russie qu'ailleurs, lui donnèrent ses lettres de noblesse et l'ouvrirent à un répertoire très large, faisant briller sur les scènes les plus prestigieuses les procédés de jeu (pinces, frappés, trémolo, vibres et autres combinaisons) et son timbre si propices à rendre la nostalgie, la sauvagerie, le lyrisme, la chaleur et l'humour qui caractérisent si bien les Russes.
C'est pour cette raison que la balalaïka est le symbole de la musique traditionnelle russe. Le procédé de jeu le plus employé, le 'briâtsanié', est hérité d'un autre instrument encore plus antique, les gousli, au timbre tout aussi merveilleux...