Une première analyse, le Capricho Arabe de Tarrega.
Francisco Tarrega est né en 1852 à Villarreal, en
Espagne. Il est mort en 1909.
Le Capricho
Arabe est une pièce pour guitare écrite en 1900
Pour plus de commodité, je me baserais sur l’édition
www.delcamp.net, p. 166-170 du recueil
« tarrega_integral_de_guitarra » accessible aux membres du groupe 040
messages envoyés. Les numéros de mesures renvoient à cette version.
L’œuvre est en Ré
min., elle est dédicacée à Tomas Bretón ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Tomas_Breton ) (1850-1923), un
compositeur de zarzuela comme la Verbena
de la Paloma, créée le 17 février 1894 au « teatro Apolo de
Madrid »
Elle est à 3/4
Elle se structure en trois segments.
a. mes 1-4
Reprise de a
b. mes 9-12
Cette introduction est caractérisée par son rythme
« balancé ». Elle installe un rythme harmonique. Premier degré sur la
première moitié de la mesure, cinquième sur la seconde moitié.
Exemple 1
Ré min.
Le rythme harmonique, deux accords par mesures, se
poursuit. Quelques remarques.
Mes. 17, le sol # est l’altération du 4ème
degré.
Exemple 2
A cette même mesure, on reste en ré min., malgré le si bécarre. Il s’agit de la gamme de ré mineur mélodique ascendante[1].
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_gammes#Gamme_mineure)
Mes. 20, on module vers sol min. avec une demi-cadence (http://fr.wikipedia.org/wiki/Cadence_%28musique%29#La_demi-cadence)
au point d’orgue sur le mi b[2].
Mes.22, on retrouve le trait de l’introduction,
allongé d’un temps supplémentaire. Il était présent mesures 2 et mesure 5.
La présentation du thème se conclue par la reprise
du motif d’introduction, mais avec un rythme harmonique qui s’accélère. Un
accord par temps au lieu d’un pour deux. Le mi
b du troisième temps est l’altération du second degré, fréquente en mineure.
Celui-ci est abaissé d’un demi ton. Quand l’accord se présente sous son premier
renversement[3], on
l’appelle sixte napolitaine. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_sixte_napolitaine) Cependant, cette accélération du rythme
harmonique ne change pas le sens de ce motif, la mesure commence toujours par
un premier degré et se conclue par un cinquième.
Exemple 3
Ce thème est en fa
majeur, le relatif majeur de ré min.
Il reste apparenté au thème A par sa tête. Nous
reviendrons sur ce point tout à l’heure.
Quelques remarques :
Le motif qui commence à la deuxième moitié de la
mesure 27 et se termine à la première moitié de la mesure 29 est immédiatement
reproduit à la quarte inférieure, on appelle cela une marche harmonique. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Marche_harmonique)
Exemple 4
Le morceau reste sur une pédale de dominante de ré. La guitare joue des arpèges (mesures
33-24) et un trait chromatique (mesure 34-35).
Le thème B est transposé en ré majeur. Mesure 39, le petit motif qui suit la marche harmonique
des mesures 37-39 est différent de celui proposé précédemment, mesure 29,
seconde moitié. La fin de cette première présentation synthétise les deux
techniques proposées en conclusion au thème B lors de la première partie, entre
trait et arpège, sur le cinquième degré (mesure 41-43).
Répétition exacte de ce qui précède avec une
variante à pour la conclusion. L’accord de septième diminué (mesure 41) (http://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_neuvi%C3%A8me_de_dominante_sans_fondamentale)
devient un accord de dominante du IV degré de ré majeur (mesure 49).
Le motif d’accompagnement est repris, mais il passe
soudainement du majeur au mineur (mesure 52-53). L’effet est saisissant, car
immédiatement après avoir pleinement affirmer la modalité majeure avec les
accords du I, VI et II (mesure 52), ces même degrés sont repris en mineur à la
mesure 53.
Il ne reste plus qu’à reprendre le thème A (mesure
54-61) et à s’acheminer vers la cadence parfaite finale.
Sous ce titre atroce, je vais tenter de montrer comment, de section en section, les idées circulent et se répondent.
Les deux thèmes A et B sont tous deux composé par le même rythme de deux noires liées, ou non, à quelques choses.
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Thème A |
Thème B |
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Liées à une croche |
15 |
16 |
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28 |
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Liées à un demi-soupir |
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17 |
19 |
20 |
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27.v |
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Liées à une double croche |
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26 |
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Liées à rien du tout |
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29 |
Sauf exception, le rythme harmonique est constant de
deux accords par mesure. Les exceptions sont de deux sortes :
1. Ruptures par accélération du
rythme harmonique :
Mesures 23-24,
mais nous avons vu qu’il s’agit d’une fausse accélération.
2. Rupture par cadence.
Lors des arrêts sur le V
degré, mesures 21-22, 32-35, et 42-43.
La cellule de rythmique de base en noire sur le
temps la basse et en croches à contretemps se décline sous 5 formes :
1. Forme
originale
2. Variante
1 blanche - noire - noire
3. Variante
2 noire - noire - blanche
4. Variante
3 deux blanches
5. Variante
4 blanche pointée liée à une croche
- croche.
Forme originale |
Variante 1 |
Variante 2 |
Variante 3 |
Variante 4 |
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INTRODUCTION |
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A |
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17 |
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18 |
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19 |
20 |
21 |
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22 |
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23 |
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TRANSITION |
24 |
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25 |
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26 |
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B |
27 |
28 |
29 v |
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30 |
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31 |
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32 |
33 |
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TRANSITION |
36 |
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B |
37 |
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38 |
39 |
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40 |
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41 |
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42 |
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TRANSITION |
44 |
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TRANSPOSITION DE B |
45 |
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46 |
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47 |
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48 |
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49 v |
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50 |
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51 |
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DEMI CADENCE |
52 |
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TRANSITION |
53 |
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54 |
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A |
55 |
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56 |
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57 |
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58 |
59 v |
60 |
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61 |
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62 |
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CONCLUSION |
63 |
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Selon la situation, le morceau présente des arpèges et des traits, le plus souvent sur une demi-cadence.
Certains de ces arpèges circulent à travers la pièce.
Celui de la mesure 20, deuxième moitié, (encadré en
violet) se retrouve mesure 41 (transformé en accord de septième diminuée), 49
et 59. Il prépare chaque fois une pédale du V degré précédé du degré IV sauf
mesure 41 où il l’introduit directement.
L’arpège-trait de la seconde mesure (encadré en
rose) se retrouve mesure 6, 22, et 61. Aux mesures 1 et 6, il a une valeur
introductive tandis que mesure 22 et 61, il a une valeur conclusive.
Enfin d’autres arpèges (encadrés en jaunes)
possédant moins d’identité sont présents avec la même fonction harmonique de V
degré mesure 9, 29 et 32-34.
Les traits ont dans cette pièce une fonction de
liaison entre les arpèges qui concluent une section et le début de la section
suivante.
On trouve :
Des gammes : mesures 10, 43
Un trait chromatique : mesure 34
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mode_%28musique%29
Le titre de la pièce est trompeur, sans doute…Mes
connaissances sont loin d’être totales. Cependant, lorsqu’un compositeur veut
« faire arabe », il a à sa disposition quelques « trucs ».
En mode mineur, le « truc » le plus facile est l’usage de la seconde
augmenté qui sépare le VI du VII degré.
En Ré mineur :
Re mi fa sol
la sib do# re
Pour l’éviter, on peut altérer le degré VI, c’est la
gamme de mineur mélodique ascendant
Mais on peut aussi abaisser le VII, c’est la gamme
de mineur mélodique descendant (pour plus de commodité je l’indique en
descendant, le degré VII est donc à la seconde place…)
Dans cette pièce, Tarregà choisi d’éviter cet
intervalle, sauf au premier temps de la neuvième mesure.
Cependant, l’altération du second degré, mi b, rapproche la pièce du mode
« arabo-andalou », mais plus que fortement atténué, sinon normalisé,
par la tonalité. Sur ré, le mode
serait :
Le fa# est
absent, mais le mi b, lui, est bien
présent, mais comme second degré altéré de ré
min.
Donc, il semblerait que arabe renvoie à autre chose que la modalité de la pièce.
Tarregà est né la même année que l’architecte
Antoni Gaudi (1852-1926). Il est considéré comme le représentant de l’art nouveau espagnol, le modernismo.
Entre 1883 et 1885, est bâti, sur les plans
de Gaudi, le Capricho Arabe. Il y
aurait expérimenté à cette occasion la fusion entre la musique et
l'architecture. Le véritable nom de cet édifice est Villa Quijano. Gaudi y a mélangé des éléments arabes avec un style
néogothique. Sur les vitraux, des animaux jouent de divers instruments..
La pièce de Tarrega aurait été écrite entre 1880 et
1905. Il n’est donc pas impossible qu’il y ait un rapport entre cette pièce et
le bâtiment de Gaudi.
Le modernismo
se caractérise par sa profusion ornemental, tout comme son homologue français
l’art nouveau. Musicalement, il faudrait plutôt aller chercher du coté
d’Albéniz que de Tarregà. Mais dans le capricho
arabe, les ornementations ont une place et une fonction très importante.
Les glissando mes.
10, 12, 15, 28, 28, 39, 40, 16, 48, 54, 59
Les appoggiatures mes.
17, 56
Les
broderies, simple ou double mes.15,
16, 21, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 36, 37, 38, 40, 41, 44, 45, 46, 48, 49, 50,
54, 55, 60.
Sans compter les autres broderies ou appoggiatures
de la ligne mélodique elle-même. On pourrait également comparer ces
ornementations entre elles, à la seconde, à la tierce ou combinant ces
intervalles, mais cela outrepasserait le cadre de l’analyse que je choisi de
vous proposer.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_T%C3%A1rrega
http://www.gaudidesigner.com
http://es.wikipedia.org/wiki/Capricho_de_Gaud%C3%AD
http://www.gaudiallgaudi.com
http://www.answers.com/topic/capricho-rabe-for-guitar?cat=entertainment
[1] Pour éviter l’intervalle de seconde augmenté entre le 6ème degré et la sensible en mode mineur, on élève d’un demi-ton le 6ème dans un mouvement ascendant, et on abaisse d’un demi ton la sensible lors d’un mouvement descendant. Le premier cas s’appelle le mineur mélodique ascendant, le second le mineur mélodique descendant. Notons au passage que cette seconde augmenté possède un certain aspect exotique, voir « oriental »… Mais nous y reviendrons plus loin.
[2] Une demi cadence est un arrêt sur le cinquième degré d’une gamme, cette cadence procure un effet suspensif.
[3] En ré mineur, l’état fondamental de l’accord du second degré est mi sol sib, le premier renversement sol sib mi et le second sib mi sol. La sixte napolitaine est la forme sol sib mib.
Clément Forese